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Refuser l’antisémitisme d’où qu’il vienne

Une nouvelle fois, une synagogue, en France, a été visée par un incendiaire. On peine à écrire ces mots, qui traduisent pourtant précisément ce qui s’est passé, samedi 24 août au matin, à la synagogue Beth Yaacov Atlan de La Grande-Motte (Hérault). Filmé par des caméras de vidéosurveillance, un homme portant un drapeau palestinien à la ceinture a tenté de mettre le feu à l’édifice avant l’office matinal du shabbat. Après quinze heures de cavale, un résident algérien de 33 ans a été interpellé à Nîmes, il est visé par une enquête du Parquet national antiterroriste ouverte pour « tentatives d’assassinats terroristes ». En mai, c’est la synagogue de Rouen qui avait été ravagée par un incendie dont l’auteur, un Algérien en situation irrégulière, avait ensuite été abattu par un policier qu’il menaçait d’un couteau.
Odieux, inacceptables, ces attentats constituent les manifestations les plus retentissantes de la vague d’actes antisémites qui secoue la France depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël. Sans précédent depuis la Libération, cette recrudescence d’actes de haine visant les juifs s’est traduite par un triplement de ce type de violences au premier semestre (887 faits recensés par le ministère de l’intérieur, contre 304 au cours de la même période de 2023). Cette hausse, concomitante des événements du Proche-Orient, a commencé dès 2023, notamment après le 7 octobre, avec 1 676 faits recensés cette année-là par Beauvau, soit quatre fois plus qu’en 2022. La sécheresse de ces statistiques masque des réalités insupportables : des juifs retirent les mézouzas de leur porte, se font injurier dans la rue, ont peur de se rendre aux offices religieux.
L’enquête sur la tentative d’incendie de La Grande-Motte précisera sans doute les mobiles de l’auteur des faits, qu’il est évidemment prématuré d’analyser. Mais il serait vain d’isoler cette nouvelle manifestation d’antisémitisme du double contexte des guerres en cours au Proche-Orient et des tensions politiques françaises. Si les premières attisent émotions et colères chez les juifs et chez les musulmans − deux cultures particulièrement représentées conjointement dans la population française −, elles ne sauraient être importées dans l’Hexagone : musulmans et juifs de France ne sauraient, sous aucun prétexte, être assimilés aux protagonistes des conflits israélo-palestiniens.
Or, c’est la pente dangereuse qu’a empruntée Jean-Luc Mélenchon en tentant d’exploiter les tensions consécutives au massacre des Palestiniens de Gaza pour conquérir des électeurs issus de l’immigration pendant les récentes campagnes électorales. Dans sa réaction à l’attaque de samedi à La Grande-Motte, le dirigeant de La France insoumise, coutumier des sous-entendus sur les juifs, n’a rien fait pour les dissiper, en adressant ses pensées aux « fidèles et aux croyants ainsi agressés » et en invoquant « la laïcité » sans prononcer le mot d’antisémitisme.
L’histoire de l’Europe le montre tragiquement : la haine dirigée contre les juifs est le lisier sur lequel prospèrent toutes les formes de racisme et d’exclusion. Tout doit être fait pour préserver le pays de ce poison qui, intrinsèquement lié à l’extrême droite, n’y est pas confiné. Les efforts annoncés dans le domaine de l’éducation doivent être poursuivis. Mais ils seraient vains sans une critique sans concession de toutes les forces politiques ou religieuses qui tendent à cultiver l’identification des musulmans de France à des Palestiniens, ou celle des juifs de France au gouvernement israélien.
Le Monde

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